2006-05-16 Itinéraire d'un pervers livré à lui-même

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Itinéraire d'un pervers livré à lui-même

Le Parisien, 16-05-2006 Geoffroy Tomasovitch avec Ludovic Pillevesse dans la Nièvre

ON PEUT AVOIR des antécédents judiciaires tout en ayant un casier vierge. Christian Beaulieu, violeur et meurtrier présumé du petit Mathias, se trouve dans ce cas. Ce marginal de 56 ans, qui a reconnu avoir abusé puis noyé le garçonnet de 4 ans à Moulins-Engilbert (Nièvre), a été impliqué au cours des années 1980 dans des affaires de moeurs. « La condamnation est effacée du casier dix ans après que la peine a été purgée. Il devient interdit de faire état de cette condamnation, c'est la loi », rappelle un magistrat. Or, Christian Beaulieu lui-même ne cachait pas son passé à certains de ses proches, pas plus que les pulsions sexuelles et l'attirance pour les jeunes enfants qui le tourmentaient toujours. Ses ennuis ont commencé à Corancy, village de la Nièvre où vivaient ses parents nourriciers. Plus de vingt ans ont passé, mais les habitants se rappellent encore avoir été intrigués par le comportement, parfois obscène, de l'ancien commis de ferme. « Les coudes sur la barrière de l'école, il épiait les élèves pendant les récréations », évoque un ancien de Corancy. Jointe hier, la femme qui est à l'origine de la première plainte déposée en 1983 contre Beaulieu confie : « J'avais déjà remarqué cet homme photographier des enfants sur un manège à Château-Chinon. Plus tard, à Corancy, j'ai appris qu'il avait emmené mes jumelles dans sa roulotte. » Ce jour-là, l'intervention du fils aîné empêche le père des jumelles de mettre en pièces le commis de ferme. « Il l'aurait tué », assure la mère dont la plainte a abouti à la condamnation de Christian Beaulieu pour « attentat à la pudeur ». « A partir du moment où il ne faisait plus parler de lui... » Six ans plus tard, l'homme se retrouve à la barre du tribunal correctionnel de Nevers pour des faits similaires commis sur deux petits garçons dont le fils de sa concubine, Marie-Jeanne H., mise en examen et écrouée pour « non-dénonciation de crime » dans l'affaire Mathias. « Examiné par un psychiatre, il paraît vivre une sexualité totalement perverse et détraquée, s'adonnant à la zoophilie dès son plus jeune âge », écrivait le lendemain le chroniqueur du « Journal du Centre ». Condamné à trente-six mois de prison dont huit avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, Beaulieu devait se faire suivre par un médecin et s'abstenir de tout contact avec des enfants. « Le sursis n'a pas été révoqué. On peut en déduire que le suivi a été accepté », observe un magistrat avec toutes les réserves sur l'efficacité réelle de cette mesure. Après ces trois ans, Christian Beaulieu n'était plus soumis à une quelconque contrainte. A Moulins-Engilbert, son passé était connu. « Ça se savait dans la population. A partir du moment où il ne faisait plus parler de lui... », confie un gendarme. « Cet homme est un pervers. Je ne comprends pas que le maire de Moulins n'ait pas été alerté », s'étonne la mère à l'origine de la première plainte. « A dire vrai, il se tenait à carreau », constate simplement le gendarme. A Moulins, les habitants évitaient cet homme au comportement étrange, mais rares sont les gens à s'être plaints ouvertement de Christian Beaulieu. Sauf cette mère de famille qui avait confié des travaux de jardinage au marginal. Or, ce dernier aurait giflé la fille de 2 ans et embrassé sur la bouche la soeur de 4 ans et demi. Choquée, cette habitante a d'ailleurs rapporté ces faits récents aux gendarmes qui enquêtaient sur le crime du petit Mathias. Mais pouvait-on prévoir que cet homme, habité par des pulsions, allait passer à l'acte la nuit du 6 au 7 mai et se transformer en criminel ? « On aimerait répondre oui, mais il faut être lucide. On n'empêchera jamais quelqu'un de récidiver un jour, à moins de l'enfermer à vie », estime un magistrat.

Source: Le Parisien: http://www.leparisien.fr/faits-divers/itineraire-d-un-pervers-livre-a-lui-meme-16-05-2006-2006989479.php