L'incrimination de la zoophilie

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L'incrimination de la zoophilie

Livre édité par Maëva Gallimard aux éditions L'Harmattan.
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Introduction

Publié en avril 2019, cet ouvrage traite de l'incrimination de la zoophilie du point de vue du droit.
Il aborde absolument tous les aspects de la zoophilie, avant et après la modification de 2004 et sa jurisprudence de 2007.
Il cherche des explications à cette modification, et surtout à la jurisprudence de 2007, et essaie de comprendre les conséquences juridiques engendrées par cette jurisprudence.

Si vous ne devez acheter qu'un seul livre sur le sujet, c'est celui là.

Mon avis

Ce livre est le Saint Graal : c'est LA bible sur le sujet de l'article 521-1 du code pénal.
Il aborde absolument tous les sujets imaginables. Je pensais avoir couvert toutes les facettes de cet article à travers ce wiki, et je me sens tout petit après la lecture de cette étude.
Il va largement au delà de la simple analyse de l'article 521-1 : il essaie de comprendre pourquoi cette modification, pourquoi la jurisprudence de 2007 qui, je le rappelle, a conclue que dès qu'un acte de pénétration sur un animal était constaté, alors cela constitue des sévices de nature sexuelle.
Ce livre donne des pistes possibles pour se défendre contre cette article de loi si jamais il devait vous inquiéter.

Mention spéciale à Sanderling, qui se reconnaitra, qui m'a fait découvrir ce livre au moment où j'en avais le plus besoin.

Préface

Je me permets de publier ici la préface de ce livre.
Elle est disponible gratuitement à cette adresse : http://liseuse.harmattan.fr/978-2-343-17011-4

Certains thèmes de recherche sont plus abordables que d’autres. Sans aucun doute possible, le sujet choisi par Maëva Gallimard dans le cadre de son mémoire de Master 2, est périlleux et il est nécessaire d’insister sur ce premier point.

Aborder de front, pour une première expérience de recherche, le domaine des infractions sexuelles et celui du droit animalier relève de la gageure.
La question sexuelle, dès lors qu’il s’agit de l’aborder sous l’angle pénaliste, fait intervenir la morale, la religion, le tiraillement entre l’intime et la relation à l’autre, le placement des frontières entre la sphère privée et l’ordre public… Le regard du chercheur doit être d’autant plus aiguisé pour démêler l’écheveau et rendre à chacun ce qui lui revient.
Maëva Gallimard n’a pas redouté la diversité des approches et elle parvient à éviter les amalgames. Elle distingue les disciplines tout en dégageant les passerelles nécessaires entre les domaines de pensée pour comprendre la manière dont le droit saisit l’acte zoophile. 
La question animale ne vient pas simplifier la chose. Le chercheur en droit animalier est encore bien seul même si le professeur Jean-Pierre MARGUENAUD a libéré le thème du ridicule et du futile en fondant la solide Revue Semestrielle de Droit Animalier dont nous allons fêter les 10 ans en 2019. Le domaine du droit animalier est néanmoins complexe en lui-même, ne provenant pas d’un fonds homogène et toujours bien identifié : les sources étant éparses, la bibliographie encore rare, ce n’est pas peu dire que les juristes en herbe se lançant sur cette voie ont l’esprit d’aventure. Un esprit d’aventure qui doit être adossé à de solides connaissances et à une méthode sans faille pour garantir l’aboutissement du projet. Il me semble que le pari est remporté par Maëva Gallimard qui n’a pas ménagé ses efforts pour parvenir à proposer un état des lieux de l’incrimination de la zoophilie dans le droit français qu’elle lie intimement à l’histoire du droit des « crimes contre nature » et à la persistance de la condamnation morale des rapprochements intimes entre homme et animal.

La question de la zoophilie est passionnante à plus d’un titre et le mémoire ici publié révèle toute la richesse de cette piste. Il n’est pas question de discourir sur l’amour des animaux comme le terme issu du grec pouvait le laisser pressentir mais d’évoquer l’incrimination récente des « sévices de nature sexuelle » contre les animaux. Les mots choisis du droit sont toujours des perches tendues : la zoophilie constitue-t-elle en elle-même un sévice ? 
Il y a, dans les paragraphes du mémoire consacrés à la pornographie zoophile ou dans les faits des affaires étudiées par Maëva Gallimard, de nombreux éléments à charge.
Néanmoins, on perçoit dans d’autres passages, à l’appui notamment des thèses de Marcella IACUB, que la souffrance animale pourrait ne pas être au cœur de la criminalisation. C’est indépendamment de la souffrance des animaux qu’il faut interdire le rapprochement sexuel entre l’homme et la bête. Maëva Gallimard a la bonne idée de nous proposer de réfléchir à l’insémination artificielle. Acte de pénétration de l’animal par l’homme, l’acte vétérinaire échappe à toute incrimination. Ce détour est intéressant : si la plongée (faut-il insister ? la plongée réitérée) du bras de l’homme dans le vagin d’une génisse ou d’une jument, si la récolte de la semence du cochon dans les élevages de porcs, ne sont pas incriminés comme des sévices de nature sexuelle, c’est bien que la protection de l’intégrité physique de l’animal n’est pas l’objet premier du droit pénal, ce qui n’étonnera personne dans un monde carnassier qui envisage le corps de milliers d’animaux domestiques comme déjà-toujours de la viande. Certes, l’art vétérinaire, comme l’art médical, implique des gestes professionnels et non intimes. De fait, le domaine sexuel n’est pas identifié comme tel dans le monde clos de l’élevage, absorbé qu’il se trouve dans la mécanique médicalisée de la reproduction ; l’exploitation de la chair animale par l’homme intègre naturellement les organes sexuels dont on voit mal comment ils pourraient échapper à l’emprise totale que suppose le régime carcéral imposé par l’industrialisation de la production. Pourtant, ces mêmes actes matériels dépouillés du filtre protecteur de l’art vétérinaire se trouveraient pénalisés, y compris dans l’enceinte de l’élevage… mais il s’agit bien davantage de contraindre l’homme à renoncer à des pratiques sexuelles coupables qu’à intervenir au titre de la protection des animaux.

Ce que Maëva Gallimard nous montre, c’est que l’idée même d’une sexualité entre l’homme et la bête est sanctionnée par le droit, de même qu’elle est et a toujours été moralement condamnée. En dehors de tout registre médical ou scientifique, l’acte sexuel entre l’homme et l’animal dégrade l’homme avant de faire souffrir l’animal. On pourrait même affirmer que l’acte zoophile humilie l’humanité et que l’opprobre portée sur le coupable de tels actes, que Maëva Gallimard observe encore dans les procédures contemporaines, sépare le zoophile de la communauté humaine : souligner et sanctionner sa déviance revient à conforter l’ordre moral et sexuel qui interdit la relation interspécifique jugée anormale, immorale, insupportable. Maëva Gallimard dévoile ainsi ce qui se joue dans la dénaturation jurisprudentielle de l’incrimination de l’article 521-1 du code pénal opérée par la Cour de Cassation en 2007 lorsque des actes de pénétration non violents commis sur un animal furent considérés comme constitutifs de « sévices de nature sexuelle ». Dans son enquête juridique, c’est cette incohérence ainsi que la rupture d’équilibre entre la gravité des faits et la sanction applicable qui conduit Maëva Gallimard à affirmer que, contrairement aux effets d’annonce, il ne s’agit pas ici de protéger l’animal mais bien de punir l’homme.
Punir l’homme pour un rapprochement sexuel avec l’animal ? L’argument de la protection animalière écarté, que reste-t-il pour fonder l’interdiction de la sexualité interspécifique ? Le droit mis en exergue par Maëva Gallimard permet de considérer qu’il ne s’agit pas de punir un acte de violence mais d’interdire le principe même d’une relation sexuelle. Il est dangereux de se mêler à l’animal, la zoophilie participant de l’effacement des frontières entre l’homme et la bête. Et voici le chercheur contraint d’aller fureter du côté des chimères, imaginaires ou réelles. La sexualité, envisagée comme mécanisme de reproduction, ne concerne plus seulement la liberté individuelle mais l’intégrité de l’espèce. Le spectre du monstre rôde. Il y a certainement ici un ressort profond de la réticence à se montrer indulgent face aux actes zoophiles alors même que l’hybridité entre l’homme et l’animal se prépare en laboratoire, sans rapprochement physique entre homme et bête.

La sanction pénale n’est pas explicitement liée à ce fantasme mais tend à réprimer une sexualité jugée déviante, ce que Maëva Gallimard développe en droit français mais aussi en droit comparé. Elle tire des enseignements de ce tour d’horizon des législations étrangères pour venir amender le droit français dont on a du mal à percer les intentions. Elle insiste notamment sur la question de l’évaluation de la perception des animaux par le droit danois : en l’absence de certitude sur ce qu’ils ressentent, on se doit d’interdire, par précaution, tout acte de nature sexuelle avec eux. Cette piste danoise est intéressante en ce qu’elle est plus résolument tournée vers l’animal. L’interdit repose sur un doute quant au ressenti de l’animal et non sur un principe fondé sur le jugement moral de la sexualité humaine, ce qui permettrait de clarifier les choses. On le voit, le sujet de la zoophilie et son appréhension par le droit pénal n’est pas un thème clos sur lui-même. On touche ici à des questions de morale, d’éthique, de philosophie, de droits fondamentaux mais peut-être plus encore, on interroge la relation de l’homme avec d’autres êtres dont le droit est de plus en plus appelé à se soucier. Maëva Gallimard, en faisant le point sur cette incrimination, démontre que le droit français est tiraillé par des vents contraires : d’un côté, les inquiets qui perçoivent dans le développement du droit animalier une agression contre l’homme et l’humanisme et de l’autre, les audacieux qui veulent faire bouger l’édifice juridique pour faire entrer les animaux dans la sphère de protection et de considération. On sent bien que nous sommes à la croisée des chemins...

De la contravention au délit

C'est une des choses intéressantes que je retire de la lecture de ce livre : un axe d'analyse de la modification de 2004 que je n'avais pas envisagé.
Pour rappel, c'est l'article 521-1 du code pénal qui encadre la zoophilie :

Article 521-1
Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

C'est en 2004 qu'a été modifié cet article, ajoutant ou de nature sexuelle.

La contravention en tant que cas général au délit

La contravention, en terme de droit français, est et était la base concernant les maltraitances animale.
Par exemple, encore à l'heure actuelle, en 2021, si vous tuez un animal alors que ce n'était pas nécessaire, vous encourez une contravention de 1.500€.
Maëva Gallimard l'explique très bien dans ce livre et en donne des exemples détaillés.
La contravention est prévue par les articles R653-1, R654-1 et R655-1 du code pénal :

Article R653-1
Le fait par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, d'occasionner la mort ou la blessure d'un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe.
Article R654-1
Hors le cas prévu par l'article 521-1, le fait, sans nécessité, publiquement ou non, d'exercer volontairement des mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.
Article R655-1
Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.

C'est clairement expliqué que si l'article 521-1 (délit) ne s'applique pas, alors ceux sont ces articles (contravention) qui s'appliquent.
Avant 2004, et avant l'insertion de la notion de sévices de nature sexuelle dans l'article 521-1, les juges avaient la possibilité de considérer un cas de zoophilie comme entrant :

  • soit dans le domaine de la contravention
  • soit dans le domaine du délit

Évidement, un délit est punit d'une peine beaucoup plus lourde (2 ans de prison et 30.000€ d'amende ici) qu'une contravention (1.500€)
La distinction pouvait se faire selon plusieurs critères, comme l'espère de l'animal (pénétrer une poule n'est pas pareil qu'une jument de trait), la volonté de blesser l'animal, etc
En ajoutant la notion de sévices de nature sexuelle au sein de l'article 521-1, le législateur (les députés qui ont voté cette modification en 2004) ont obligé les juges à considérer tout acte de sévices de nature sexuelle commis sur un animal comme relevant uniquement du domaine du délit.

Et cela n'est pas sans conséquence, et c'est cette superbe analyse qui est présentée dans ce livre, et dont je vais tenter de vous exposer ici.
Mais le mieux reste, si le sujet vous intéresse, de débourser 11€ pour obtenir le PDF.

La définition d'un délit

En droit français, pour pouvoir condamner une personne, il faut que 2 point soient constatés:

  • L'élément matériel : c'est l'acte qui doit être condamné. Par exemple des coups ou un défaut de soin
  • L'élément intellectuel : c'est l'intention de commettre un délit. L'article 121-1 du code pénal explique qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre.

Maëva Gallimard fait une analyse extrêmement précise de ces 2 points dans l'application de l'article 521-1.

L'analyse de la jurisprudence

La modification de 2004 n'a été appliquée qu'en 2007. L'application d'un texte de loi est appelé "jurisprudence" : c'est sur cette première application que les futures applications se reposeront.
L'application de l'article 521-1 en 2007 est très intéressante.
L'affaire a été jugé en première instance, en appel, et en cours de cassation, qui a confirmé les jugements précédents.
La défense de l'accusé, qui avait sodomisé son poney, était de dire que son poney était libre, et que les faits reprochés n'incluaient aucune violence, et que l'article 521-1, condamnant les sévices de nature sexuelle, donc sous entendu de la violence, ne pouvait s'appliquer.
Mais en 2007, la cours de cassation a pris les décisions suivantes :

La peine complémentaire d'interdiction de détenir illégale ?

Dans le chapitre dédié à la peine complémentaire d'interdiction de détenir un animal, Maeva Gallimard explique que, selon elle, cette disposition est illégale en ce qu'elle ne respecte pas la proportionnalité des peines :

[...] il n’en reste pas moins que cette interdiction, quand elle définitive, ce qui est souvent le cas, peut être sujette à critiques, notamment pour ce qui est de la réhabilitation qui consiste à rendre à la personne condamnée tous ses droits perdus.

Si, dans le cas des sévices de nature sexuelle, une interdiction définitive de détenir un animal, quand elle est prononcée en peine complémentaire, peut faire l’objet d’une demande en réhabilitation judiciaire trois ans après la libération définitive ou, pour ce qui nous concernera le plus souvent, au vu des peines prononcées avec sursis, trois ans après que la peine d’emprisonnement principale soit déclarée non avenue (c’est-à-dire pour du sursis simple, cinq ans après la condamnation sans nouvelle infraction), et que depuis 2012 la loi prévoit que la réhabilitation accordée par la chambre de l’instruction entraine des effets immédiats ; pour ce qui concerne la réhabilitation de droit, l’article 133-16, depuis 2012, prévoit que la réhabilitation ne produit effet qu’à l’issue d’un délai de quarante ans lorsqu’a été prononcée, comme peine complémentaire une interdiction à titre définitif.

Or il apparaît que ce délai de quarante ans est long pour des faits sans violence, surtout que cette interdiction définitive était prévue par l’article 521-1 avant l’ajout de 2004 et avant son application à des faits sans violence. Si elle pouvait donc se justifier au regard de la gravité des sévices et actes de cruauté que venait sanctionner l’article, ce n’est pas vraiment le cas pour les actes de nature sexuelle perpétrés sans violence.
Il est alors possible de se demander si son application est proportionnée et si le juge constitutionnel après une QPC ne trouverait pas la mesure manifestement disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, objectif que l’on peine d’ailleurs à discerner. Car il faut aussi souligner que si l’interdiction d’exercer dans le milieu animalier est limité à une durée de 5 ans, une personne ayant fait l’objet d’une interdiction plus longue ou définitive de détenir un animal pourrait donc ne plus jamais exercer son métier.

Enfin si la peine complémentaire d’interdiction de détenir un animal à titre définitif apparaît problématique quant au principe de nécessité et de proportionnalité, il faut rappeler aussi ici, au regard des effets de la condamnation, que le délit sera inscrit au casier judiciaire du condamné, et que cette inscription restera (sauf amnistie, réhabilitation judiciaire avec dispense de mention, ou dispense par le tribunal prononçant la décision) pendant quarante ans, si la condamnation n’est pas suivie d’une autre condamnation criminelle ou correctionnelle. Or l’on se doute bien que vu la coloration « délinquance sexuelle » que prend cette incrimination, l’auteur de tels faits pourra avoir du mal à retrouver un emploi, d’où peut-être la demande de Mr. Gérard X dans l’affaire de 2007, de se faire accorder la dispense de mention au casier judiciaire, étant un employé de l’administration pénitentiaire. Demande qui lui sera refusée.

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